"Frandy-town"
"Frandy-town", c'est le mot qu'a utilisé Robbie McEwen pour désigner la ville où se déroulait le Gala Tour de France, et il avait sûrement raison. Jeudi passé, la ville de Luxembourg ne vivait que pour eux, pour Frank et Andy Schleck, les premiers frères dans l'histoire du cyclisme à avoir grimpé ensemble les marches du podium au Tour de France. L'exploit était historique et l'acceuil au Gala à la hauteur, au point presque de faire passer pour de simples figurants les autres vedettes, Voeckler, Petacchi, Greipel, Martin, Nuyens ou encore McEwen, tiens.
Le temps était frisquet et la grisaille pesait sur la ville de Luxembourg, en cette fin d'après-midi. Une grosse
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peloton imposant
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averse était venu tremper le bitume et les coureurs s'étaient réfugiés dans la tiédeur du salon de l'hôtel Molitor, à deux pas de la ligne de départ, pour se préparer à la course. Pourtant, dehors, le public avait répondu présent et, malgré les caprices de la météo, ils étaient aussi nombreux que ces dernières années a vouloir applaudir les héros du Tour de France. L'avenue de la Liberté se remplissait et, à une bonne heure du coup d'envoi, les bonnes places le long des barrières étaient devenus chères. Sur la route, cela se bouscoulait également car le peloton du 15ème Gala Tour de France était impressionnant: 106 coureurs inscrits sur la liste de départ, c'est sûrement un record pour une course de ce genre. Heureusement, un rayon de soleil avait fait son apparition entre-temps et la route commençait à sécher, dissipant une partie des angoisses des participants.
Après avoir paradé pendant un tour en compagnie des heureux jeunes gagnants du concours Asport en guise de
présentation des coureurs, le peloton s'est élancé pour 50 tours avec un retard minime sur l'horaire, contrairement à l'année dernière. Les choses sérieuses ont
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premiers attaquants
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Sieberg emmène le peloton
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rapidement commencé car c'était Frank Schleck le premier à lancer une offensive, accompagné par Laurent Didier. Ils étaient encore un peu hasardeux dans les
virages, toujours glissants, mais au prix d'une belle accélération dans les longues lignes droites de l'avenue de la Liberté, les deux Luxembourgeois ont réussi à obtenir quelques longueurs d'avance sur un peloton où les sprinters avaient, déjà, placé leurs hommes: Petacchi et McEwen se trouvaient là et les coureurs d'AG2R-La Mondiale étaient à trois à rouler pour Sébastien Hinault. L'échappée était donc condamnée après quelques tours, mais les frères Schleck faisaient cause commune: Andy Schleck est sorti en compagnie de Nicolas Roche et de Tony Martin dès la jonction. Trois gros-bras à l'avant de la course et Petacchi a illico-presto envoyé Danilo Hondo vers l'avant du peloton pour organiser la poursuite. Plutôt que de ramener tout le monde, l'Allemand s'est fait la belle avec David Moncoutié pour se joindre aux trois hommes de tête, mais peu avant le sprint intermédiaire du dizième tour, le regroupement était général.
Le sprint était royal, donc, et McEwen, Petacchi et Greipel se sont prêtés au jeu. 79 étapes dans les Grands-Tours à eux trois et c'est l'Allemand qui l'a emporté d'une boyau seulement devant l'Australien, récent vainqueur d'une étape au Tour de Wallonie et devant Petacchi qui a, cette année encore, effectué un doublé Giro-Tour pas évident du tout. A part une tentative en solitaire de l'Australien Will Clarke, du team Leopard-Trek, le peloton est resté groupe pendant quelques tours, sous la conduite de Fumyuku Beppu, coéquipier de McEwen et de Marcel Sieberg, fidèle lieutnant d'André Greipel quand il s'agit de préparer les sprints. Le temps pour les spécialistes de l'emballage final de se livrer une belle bataille pour gagner le droit d'apparaître sur le podium en tant que vainqueur des étapes volantes, et les premiers coureurs commençaient à montrer des signes de faiblesse à l'arrière du peloton. Les membres de
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sprint intermédiaire
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attaques
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l'équipe nationale du Kenya s'accrochaient tant bien que mal dans la roue des amateurs luxembourgeois, en queue de groupe: ce sont des excellents grimpeurs, mais les virages serrés de la ville de Luxembourg et les accélérations incessantes qu'ils provoquent ne sont pas leur tasse de café.
Après le vingtième tour, les attaquants ont repris leurs droits: un grand groupe s'est dégagé avec Beppu notamment, avec Andy Schleck, Romain Zingle, le champion d'Allemagne Robert Wagner, le rapide Jurgen Roelandts et l'inusable Pascal Triebel qui a participé à chacune des 15 éditions du Gala. Au fil des prochains tours, ce groupe a eu des renforts, avant de se scinder à nouveau, laissant Beppu et Roelandts à l'avant, en compagnie de Jakob Fuglsang, Laurent Didier, Ben Gaustauer, John Gadret, le 4ème du Giro et Danilo Hondo. Les sprinters étaient donc bien représentés à l'avant, obligeant les autres vedettes à prendre la course en main s'ils ne voulaient pas voir leurs chances de victoire s'envoler. Thomas Voeckler s'est mis devant le peloton en compagnie avec son coéquipier Anthony Charteau et il a démontré ses talents de rouleur, bouchant le trou à lui tout seul, pratiquement. Bien lancé par Jurgen Roelandts, Andre Greipel a remporté le troisième sprint intermédiaire devant Petacchi et Hinault, s'assurant du coup une avance considérable dans ce classement annexe.
La route était totalement sèche a présent et le rythme de plus en plus rapide. Jempy Drucker voulait tenter sa chance, également, et le Luxembourgeois a intégré le groupe qui s'est détaché au 32ème tour, avec Voeckler, notamment, avec Sieberg, Roche, Christian Poos et Tony Martin. Le vainqueur du dernier chrono du Tour de France s'est lancé dans une opération risquée en prenant la tête de la course tout seul, en pur rouleur et avec son plus
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échappée royale
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grand braquet, comme à son habitude. Mais les coureurs de Leopard-Trek ne l'entendaient pas de cette oreille et se sont mis en tête du peloton, de peur de voir l'Allemand prendre trop de terrain. Soucieux de prendre la course en main, ce sont eux qui ont lancé l'échappée décisive, une échappée royale qui semblait bien partie pour aller au bout, malgré l'effort de poursuite des AG2R-La Mondiale ent tête du peloton.
Maxime Monfort, Andy Schleck, Frank Schleck, André Greipel, Alessandro Petacchi, Robbie McEwen, Thomas Voeckler, Laurent Didier et Nick Nuyens, le vainqueur du dernier Tour des Flandres, sont revenus sur Martin et, en quelques tours à peine, ils se sont octroyés un avantage d'une bonne quarantaine de secondes. Andy Schleck a lancé une offensive à moins de 10 bornes du but, mais malheureusement pour lui, il a eu comme compagnon de route un Alessandro Petacchi bien trop rapide dans un éventuel sprint à deux. Le héros du Galibier a donc temporisé un peu, avant de repartir de plus belle en
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Frank Schleck gagne
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compagnie de son frère. Le duo magique du Tour de France était donc réuni à l'avant de la course, accompagné du seul Thomas Voeckler qui voulait, lui aussi, faire honneur au public luxembourgeois. Derrière eux, cela se regardait et, même si Laurent Didier essayait de relancer pour Nuyens, l'entente n'était pas au beau fixe. Tony Martin, encore lui, a tenté de redresser la barre en solitaire, mais c'était déjà trop tard.
Devant, les trois héros du Tour de France faisaient leur show et, évidemment, les deux Schleck essayaient de coincer Voeckler avec des attaques successives. Andy est parti à trois tours du but et, sitôt que le Français avait redressé la barre, son frère Frank a rencheri à l'entame de l'avant-dernier tour. Au son de cloche, le champion de Luxembourg avait une trentaine de mètres d'avance sur ses deux poursuivants et c'était bien assez pour glaner le bouquet et même avoir le temps de profiter du feu d'artifice qui acceuillait son succès. Frank Schleck a remporté le 15ème Gala Tour de France en solitaire, avec 2 secondes d'avance sur Thomas Voeckler, qui a règlé Schleck le cadet au sprint. A 10 secondes, André Greipel a gagné le sprint du premier groupe de poursuivants, prenant la 4ème place à l'arrivée et s'assurant définitivement du classement des sprints intermédiaires, alors que Tony Martin était désigné comme coureur le plus combatif par le jury de course. Tous ces hommes se sont retrouvé sur le podium final où ils ont salué un public ravi par cette issu de la course.
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