L’ année 2006 – un crû exceptionnel pour le cyclisme luxembourgeois !

 

L’année 2006 entrera à coup sûr dans les annales du cyclisme luxembourgeois et on serait même tenté de dire qu’il s’agit d’une année historique pour le sport le plus en vue ces derniers temps dans notre petit pays, si ne ce n’était faire peu de cas des années encore plus prometteuses à venir !

 

Il faut en effet remonter bien loin dans le temps pour retrouver un engouement populaire aussi massif pour la petite reine qui, pourtant,  de tout temps sut garder en haleine toute une nation, notamment dans les années 50 et les glorieuses épopées d’un Charly Gaul qui s’est éteint tout juste avant le passage à cette année 2006.

 

Cinquante ans plus tard, ce sont les Frank et Andy Schleck, Kim Kirchen et Benoît Joachim, Jempi Drucker et Ben Gastauer ou encore Nathalie Lamborelle qui défrayent régulièrement la chronique par des résultats de tout premier plan voire même de véritables exploits auxquels le public sportif luxembourgeois n’était plus habitué jusqu’à montrer aujourd’hui les premiers signes d’une « gourmandise » non appropriée.

 

Ses succès au fil des années depuis 2002 dans Paris-Bruxelles, le Tour de Berne, le Tour de Hollande, au Grand Pix de Laigueglia, au Grand de Prix de Chiasso, dans la semaine internationale Coppi-Bartali, sa 6e place aux Jeux Olympiques d’Athènes en 2004 et sa 2e place enfin dans la Flèche Wallonne en 2005 avait fait naître des espoirs quelque peu démesurés dans le camp des supporters de Kim Kirchen. Sa victoire finale au Tour de Pologne en 2005 avait fini par établir le Conternois parmi les grosses pointures du peloton international, son passage de chez Fassa Bortolo chez T-Mobile allait pourtant marquer en 2006 le premier point de ralentissement dans son ascension fulgurante jusque là dans sa carrière.  Ses bons débuts en Suisse avec une 2e place à Lugano dès février ne pouvaient cacher ses petits pépins récurrents sur le plan de la santé ou encore sur le plan du matériel. Sa saison des classiques du printemps en fut gâchée et il fallut attendre les mois de mai et de juin 2006 pour retrouver le vrai visage de Kim Kirchen avec notamment ses victoires dans le prologue du Tour de Luxembourg puis au championnat national. Entretemps le Tour de Suisse avait révélé de nouveau un Kim Kirchen conquérant et volontaire dont la prestation fut gratifiée d’une très bonne 12e place au général final. Privé du Tour de France par son équipe puis du Mondial pour n’avoir récolté le moindre point au classement Pro-Tour en 2006, Kim Kirchen rêve désormais de retrouver la forme et les conditions d’encadrement des années 2004/2005 pour revenir sur le devant de la scène dès le début de saison 2007.

 

A l’inverse de Kim Kirchen, Frank Schleck n’avait su ramener de succès sur la scène internationale en 2005, en revanche il avait suscité les plus folles espérances dès cette année-là par sa 4e place au Tour de Suisse, sa 3e place au Tour de Lombardie puis sa 2e place au Championat de Zurich. Il n’allait pas tarder en 2006 à faire valoir ses ambitions en terminant 5e de Paris-Nice et son envolée sur les pentes du Poggio jusqu’aux abords de la via Rom à San Remo quelques jours plus tard n’était probablement qu’un présage de ce qu’il nous réservait pour la suite de la saison. 11e du Critérium International malgré une chute un peu plus tôt en Espagne, Frank Schleck allait réaliser son premier grand coup et signer sa première grande victoire de sa carrière en remportant en solitaire la réputée classique Amstel Gold Race sur les hauteurs du Cauberg au-dessus de Valkenburg. Cette victoire, en solitaire de surcroît, constitua sans nul doute un tournant dans la carrière de Frank Schleck, qui ne lâcha plus prise sur les classiques ardennaises en terminant 4e respectivement 7e dans la Flèche Wallonne puis de Liège-Bastogne-Liège dans le même temps à chaque fois que le vainqueur. 

En préparation de son premier Tour de France, Frank Schleck enchaîna avec une belle 6e place au Tour de Suisse, et tout comme Kim Kirchen un peu plus tôt, Frank Schleck fait partie désormais de la catégorie des coureurs dont la réputation n’est plus à faire et qui portent une pancarte dans le dos: « ne pas laisser s’échapper » !!

 

« Echappé », c’est bien le mot qui a fait frémir tout un pays un après-midi de 18 juillet 2006 alors que la nouvelle se répandit à la vitesse du feu que Frank Schleck s’était fait la belle dès les premiers kilomètres de la 15e étape du Tour de France entre Gap et l’Alpe d’Huez. Parti dès les premiers lacets de l’Izoard en compagnie de 23 autres coureurs, non des moindres, Frank Schleck donna l’impression d’avoir repéré tout spécialement cette étape-là pour gravir les sommets du gotha cycliste. Oubliées les frayeurs d’une chute à quelques jours du départ du Tour puis lors de l’arrivée à Caen, oubliés les déboires d’avant-Tour à Strasbourg, il fallait maintenant gérer par-dessus le Lautaret une avance suffisante pour aborder l’Alpe dans de bonnes conditions physiques sans trop se dépenser avant cette ultime montée, car avec Cunego, c’est bien lui le meilleur grimpeur du lot en valeur intrinsèque.

 

Tout un pays se retrouve soudainement devant la télévision, la vie professionnelle marque un temps d’arrêt comme pour mieux se ressourcer à la vue de l’exploit que le pays s’apprête à vivre. A l’Alpe la tension monte d’un cran dans la colonie luxembourgeoise qui s’est déplacée en masse avec ses drapeaux frappés du lion rouge alors que Frank Schleck s’isole en tête avec l’inévitable Cunego. Exhorté par son directeur sportif Guy Gallopin, Frank Schleck porte l’estocade à 2 km de l’arrivée et lâche son dernier compagnon pour franchir la ligne d’arrivée en solitaire et savourer seul le goût de l’impossible victoire, tout comme ce dimanche de Pâques en haut du Cauberg.

 

Et ce n’était que le début de la gloire, car désormais, plus rien n’est comme avant. 40 ans après la dernière victoire luxembourgeoise sur le Tour avec Edy Schutz à Chamonix, une victoire à l’Alpe d’Huez de nos jours, ça rend immortel, ne serait-ce par la plaque commémorative installée en honneur des vainqueurs à l’Alpe dans les 21 virages qui montent là-haut à plus de 1850m d’altitude.  A côté de la plaque en honneur de Hennie Kuiper, c’est dans le virage 18 que la plaquette d’honneur de Frank Schleck ornera à tout jamais cette route alpestre si prestigieuse. Cette victoire d’étape à l’Alpe, Frank Schleck la confirmait avec une 11e place au général à Paris et dans la foulée par une belle 2e place au Grand Prix LUK à Bühl contre la montre en compagnie de son coéquipier Fabian Cancellara. 

 

En fin de saison Frank Schleck se fit un honneur de terminer encore 7e du Tour de Lombardie, et partant de se classer à la sensationnelle 3e place du Pro Tour pour 2006 derrière Valverde et Sanchez, performance complètement inespérée en début de saison encore, mais ô combien méritée après s’être classé à 28 reprises dans les dix premiers en cette saison 2006.  Parallèlement, son frère cadet Andy Schleck, après un début de saison gâchée par une clavicule cassée sur chute, s’illustra en remportant durant le Tour de France même deux des 5 étapes du Tour de Saxe, en l’occurrence ses deux premiers succès chez les professionnels, exploit passé presqu’inaperçu dans l’ombre des performances de Frank pendant le même temps sur le Tour. Andy Schleck, 8e au général du Tour de Grande-Bretagne, alla confirmer ses bonnes dispositions avec une 16e place  au Tour d’Allemagne, résultat insuffisant toutefois pour décrocher des points au Pro-Tour et partant pour le Championnat du Monde. Gageons toutefois, que le tout jeune Andy, nous réservera quelques bonnes surprises dès le début de la saison 2007.

 

 

 

Benoît Joachim quant à lui effectua sa 7e et dernière saison auprès des Américains de Discovery Channel, en mettant en valeur une nouvelle fois ses capacités au service de ses chefs de fil, notamment au Giro et à la Vuelta. Ce sont probablement ses qualités d’équipier modèle qui ont valu à Benoît Joachim de retrouver en l’équipe Astana un nouvel employeur pour servir désormais les Vinokourov, Klöden et autre Kashechkin, du bon boulot en perspective avec l’espoir toutefois de pouvoir tirer son épingle du jeu sur le plan personnel lors de l’une ou l’autre classique dès le printemps!

 

8e des Championnats du Monde de cyclo-cross chez les Espoirs en 2006, 6e du Championnat d’Europe la même année, Jempi Drucker nourrissait des espoirs de podium pour 2007 après notamment un début de saison à la hauteur des ses ambitions en octobre/novembre 2006.  Des problèmes de santé récurrents allaient toutefois l’en empêcher cette fois-ci encore, mais son chemin vers l’élite semble d’ores et déjà tracé tout comme celui de la talentueuse Nathalie Lamborelle, 9e du Championnat du Monde Juniors en été 2006 ou encore celui du Junior Ben Gastauer, le plus grand espoir que le cyclisme luxembourgeois ait connu depuis les frères Schleck.

 

 

Carlo Hastert